Steve Darcis, capitaine de Coupe Davis. C’est juste une évidence.
J’ai beaucoup écrit sur le Shark. J’ai beaucoup frémi en le regarder jouer. En vivant de près ses exploits quand, en Coupe Davis surtout, il allait chercher une énergie qui aurait fait défaut à tant d’autres.
Pour le décrire, j’ai ressorti ce texte. Ecrit après la victoire de Steve face à Paolo Lorenzi, c’était en quart de finale de la Coupe Davis 2017. Steve venait de traverser une épreuve familiale.
La photo est une photo que j’ai prise juste avant le dernier match de la demi-finale 2015 face à l’Argentine. On y a voit, des coulisses, Johan Van Herck donner ses derniers conseils à Steve. Elle illustre bien, je trouve, le passage de témoin.
« STEVE, JE T’AIME »
6-0.
Des yeux humides.
Un frisson.
6-0 dans le tie-break du quatrième set.
Des yeux humides dans la tribune des proches des joueurs.
Un frisson qui parcourt l’échine d’un champion.
6-0. 6 balles de match.
Des larmes qui se refusent de perler.
Un frisson qui arrête le temps.
Une seconde. Une fraction de seconde.
Mais que c’est long, une fraction de seconde.
Quand on joue un match important, au tennis, et que l’on sait que l’on va gagner, le plus difficile est de conclure, de ne pas se laisser submerger par les émotions. De les repousser le plus longtemps possible, histoire qu’elles ne viennent pas compromettre la victoire promise.
6-0.
Repousser des émotions ?
Facile à écrire.
Facile à penser.
Impossible à faire.
Surtout dans un tel contexte.
6-1 6-2 6-3 6-4.
Quatre points donnés pour Camille, pour Ju, pour la famille.
Quatre points donnés à cette vie qui nous joue des tours si pendables.
6-1, 6-2, 6-3, 6-4.
Quatre points donnés pour la petite, cette formidable petite qui s’est battue comme le fait si bien son papa. Entourée des siens, comme l’est toujours son papa. Et qui, comme son papa, a gagné, gagnera encore, et toujours.
Victoire de l’amour, aussi et surtout. L’amour de son papa, sur le terrain, de sa maman, dont les larmes veulent perler, de sa grand-maman, dont le sourire reste figé au sein même des Davis’et, de son grand-papa, qui regarde son rejeton, si fier qu’il en ferait une attaque.
6-1 6-2 6-3 6-4.
Quatre points donnés pour ce capitaine flamboyant parti il y a tout juste un an entraîner une équipe dans le ciel ou ailleurs. Mais qui, toujours, regarde les siens – et SON Steve – avec cet oeil goguenard et protecteur.
6-1 6-2 6-3 6-4.
Quatre points donnés à l’amitié, cette si chère amitié qui fait de Steve Darcis un homme avant d’être un champion. Un homme avant d’être Daviscup Man. Un homme avant d’être le Shark.
4 points donnés.
Attention, il ne reste que deux balles de match.
Ne pas filer involontairement au cinquième.
Ce diable de Lorenzi est encore là, toujours là. Il a d’ailleurs un fameux caractère ce Paolo, d’oser venir si souvent au filet et de se faire passer, repasser.
Mais il est encore là.
6-4.
Steve sait qu’il doit chasser ses émotions.
Ne plus penser.
Juste à la routine.
Ne plus penser.
Juste à ce qu’il doit faire.
Etre pro avant de redevenir homme.
Un point.
La foule le porte. Oui, la foule, enfin venue en masse voir cette équipe exceptionnelle.
Un point.
Un point…..
Gagné.
6-7 6-1 6-1 7-6.
La foule exulte.
Steve et son équipe font corps.
Johan et son équipe font corps.
Les amis de Steve se lèvent.
La tribune entière se lève.
Les émotions sont visibles au creux de chaque regard.
Chacun sait ce que Steve vient de réaliser.
Chacun sait oh combien c’était difficile.
Chacun sait que l’exploit n’est pas d’avoir gagné mais d’avoir été là.
Chacun a envie de crier : « je t’aime Steve. »
Mais personne n’ose réellement le faire, sauf sans doute Marie-Agnes , la maman lionne et si généreuse, Alain, le papa, la soeur et les enfants.
Mais les autres n’osent pas le dire.
Alors, pour eux, moi, je le fais :
« Steve Je t’aime. »