Il aura fallu attendre cette série de 7 victoires pour que, enfin, je comprenne les raisons pour lesquelles pas mal de personnes sont aussi dures ou exigeantes par rapport à David.
En fait, il a été tellement bon en 2012, 2015 et 2017 (et bien plus), que les amateurs de tennis belge attendaient de lui qu’il reste sans arrêt dans le Top 10, voire même qu’il aille au moins en demi d’un Grand Chelem et, pourquoi pas, en gagner un.
C’est sans doute en raison de ces espoirs déçus que David s’attire, quand il traverse une mauvaise passe, des critiques qui n’ont pas lieu d’être, sauf quand, je le reconnais, il ne donne pas l’impression de vouloir se battre.
Bref, donc, que penser de cette série de 7 succès de rang, ce qui n’était plus arrivé à Goffin depuis… 2017?
La question est simple et je dois bien reconnaître que, depuis quelques jours, on me la pose régulièrement. Ce qui est une preuve supplémentaire que le Liégeois est un joueur qui ne laisse personne indifférent. Jamais, en effet, et c’est un peu étrange, on ne me pose la moindre question sur Elise Mertens ou Alison Van Uytvanck.
Par contre, dès qu’il s’agit de David, qu’il soit en verve ou en déveine, il n’y a pas un jour sans que quelqu’un me dise: « c’est fini, David, hein? » ou, comme cette semaine: « c’est pas mal, David, hein? »
Et, donc, Patrick? que penser de cette série de 7 succès?
J’y viens j’y viens.
Hier vendredi, j’ai eu la possibilité de regarder la quasi totalité des 4 quarts de finale de Monte Carlo.
Il n’y avait pas Nadal, il n’y avait pas Djokovic, il n’y avait pas Federer.
Mais, oh my god!!!!!!, quel niveau de tennis. Quelle incroyable journée, quel suspens, quels talents!
Je suis d’ailleurs en train d’écrire ce post en regardant les demis.
En fait, ce que je veux dire c’est que le tennis masculin est à mon sens plus que jamais d’un niveau extra-terrestre. Les joueurs classés entre la 5e place et la 200eme sont capables de tout, sont physiquement des monstres et, pour la plupart, sur un match, sont mentalement capables de tenir le choc face à n’importe qui.
Si on analyse un peu plus profondément le jeu de chacun des Top 200, on se rend compte que la grande majorité d’entre eux ont une arme fatale. Qui, comme Isner, d’un service de malade, qui, comme Tsitsipas, d’un revers de fou, qui, comme Alcaraz, d’un physique hors du commun pour un gamin de 18 ans, qui, comme Fognini, d’une main sidérante, etc…
David Goffin, lui, n’a pas d’arme fatale. David est un joueur complet. Il sait tout faire mais il n’y a aucun aspect de son jeu qui est meilleur que celui de tous ses concurrents (son revers était incroyable il y a dix ans mais il n’a plus, aujourd’hui, la même performance).
Il ne peut pas, comme les gros serveurs ou les gros frappeurs, se rattraper quand il est à 80% de son niveau.
Non David, pour gagner, doit être à 100% de son tennis. Quand il est à 100, ou 110%, il peut battre TOUT le monde, comme en témoignent ses magnifiques succès contre Nadal ou Federer.
Par contre, comme il n’a pas d’arme fatale, quand il est à 90 % ou en dessous, il peut perdre, quasi, contre tous les joueurs du Top 200.
Pour qu’il joue à 100%, il doit être confiance. Et, pour être en confiance, il faut aligner des victoires.
Donc, cette série de 7 succès est géniale dans le sens où, d’une part, elle a fatalement redonné confiance à David et, d’autre part, elle lui garantit une suite de saison plus tranquille qu’on ne pouvait le craindre.
S’il avait perdu, comme cela aurait pu être le cas, au deuxième ou troisième tour de Marrakech, il n’aurait sans doute pas reçu de Wild Card pour Monte Carlo et aurait perdu encore pas mal de places au classement, ce qui aurait pu lui valoir de ne pas être entrant direct à l’US Open.
Au lieu de cela, il est revenu d’un set zéro tant face à Andujar que contre Carballes Baena. Ce qui lui a permis d’atteindre la demi finale et d’ensuite remporter le tournoi. Et d’enchaîner par deux succès sur le Rocher.
C’est superbe mais il faut aussi raison garder: sur ses sept succès, David n’en a obtenu qu’un seul face à un Top 50 (Evans à Monte Carlo). Les 6 autres victoires ont été acquises face à des joueurs classés au-delà de la 50e position.
Et?
Et rien. Puisque cela démontre une nouvelle fois que le classement ne veut pas dire grand chose puisque, outre les monstres, les 200 premiers mondiaux peuvent, sur un jour, une semaine, un mois, développer un tennis permettant de triompher dans un tournoi comme Marrakech.
Ou d’aller loin dans un ATP 1000, voire dans un Grand Chelem.
Mais, j’y reviens, le vrai problème de David continuera à résider dans le fait que, comme il n’a pas d’arme fatale, il va devoir, sans arrêt, jour après jour, match après match, jouer à minimum 100% de ses capacités. Ce qui n’est pas le cas de la plupart de ses rivaux qui, eux, souvent, ont une arme permettant de compenser.
Et, Patrick?
Et je reste persuadé que David est l’un des meilleurs joueurs complets du monde mais que, dans le tennis moderne, être un joueur complet ne garantit rien. Il vaut mieux, aujourd’hui, être un frappeur sans nom, un serveur inouï qu’un joueur complet.
David va encore gagner des tournois, David va encore battre des champions, mais David va, aussi, encore perdre contre des joueurs que l’on croit moins bons que lui.
Avec son jeu, rien ne permet de dire que la saison va être tranquille.
Mais, avec son talent et cette série de 7 succès, on peut garantir que, à chaque sortie, il peut surprendre.
Positivement et négativement.
Il continuera donc à s’attirer des critiques par ceux qui, dès qu’il gagne, diront qu’il est génial.
Il l’est, en fait, génial, puisqu’il a été Top 10, qu’il a gagné 6 tournois, et qu’il a battu les meilleurs.
Cela, personne, jamais, ne pourra lui enlever.