Qu’il est difficile le circuit tennistique où ils sont des milliers, tant en messieurs qu’en dames, à essayer de se frayer un chemin vers les sommets. Il est impossible de donner un chiffre exact mais il faut savoir qu’il y a plus de 2000 joueurs masculins qui ont ont moins 1 point ATP et plus de 1340 joueuses féminines qui ont au moins 3 points WTA.
A tous ceux-là, il faut ajouter les milliers de joueurs qui tentent de glaner leur premier point, ainsi que les juniors et juniores…
Le tennis est aussi un sport mondial qui est donc pratiqué sur l’ensemble des continents (il y a cependant moins de joueurs africains) et est très pratiqué dans des pays comme les USA (205 joueurs classés et 156 joueuses), la Russie (69 joueurs et 97 joueuses).
Cela pour dire que le chemin est très long entre les 15.000 dollars et les tableaux finals de Grand Chelem. Il faut en effet savoir que plus un sport draine de pratiquants, plus la route est compliquée.
Le tennis n’est évidemment pas le seul sport individuel planétaire mais il est parfois bon de rappeler qu’il l’est.
Comme dans tous les sports, le grand public et, hélas!, parfois, des observateurs, ne s’intéresse qu’aux élites mondiales voire même uniquement aux meilleurs joueurs et joueuses de leur pays.
Leur vision est donc biaisée tant par leur méconnaissance – légitime pour le grand public – du niveau moyen en profondeur et par leur « chauvinisme » qui, pour parfois être de bon aloi, génère – trop souvent – des critiques acerbes qui, pourtant, n’ont pas souvent lieu d’être.
Quand on a la possibilité de se rendre dans des tournois dits mineurs (15.000, 25.000, Challenger) et que l’on prend le temps de suivre les matches, on est souvent surpris par le niveau incroyable, même au premier tour.
A vrai dire, à moins d’être réellement un expert, il est compliqué de dire qui est le meilleur joueur et, aussi, il est quasiment impossible, à l’aveugle – soit sans savoir quel niveau de match on suit – de donner le classement des deux compétiteurs que l’on est en train de regarder.
La différence est en effet très ténue entre les moyens; les bons voire même les très bons.
le Top 30 ou Top 50 est évidemment au-dessus mais, très franchement, entre 100 et 750 – je mets quiconque au défi de me dire quel est le classement actuel des joueurs en train de frapper la balle (toujours à condition de faire le test à sans savoir quel type de tournois on suit).
Au cours des années, comme il y a eu de plus en plus de joueurs et joueuses, le niveau moyen s’est élevé. Il y a 40 ans, les scores des matches ne première semaine de Grand Chelem étaient – surtout en dames – souvent proche de 6-0 6-0. Aujourd’hui, même les premiers tours se révèlent dangereux, y compris pour les ténors.
La semaine en cours est assez exemplative de ce qui précède.
Je commence avec une joueuse peu connue. Eliessa Vanlangendonck joue aujourd’hui un quart de finale dans un ITF.
Ah, ok, me dira-t-on, et???
C’est la 35e fois que Eliessa est en quart de finale d’un tournoi ITF mais, la grande différence c’est que les 34 premiers se sont joués dans un 15.000 dollars alors que, ce vendredi, elle va disputer un quart de finale dans un 60.000 dollars!
A 26 ans, Eliessa a été 617e à la WTA en 2018, et, là, elle va jouer pour retrouver le Top 650, voire mieux. Cela démontre que, sur un match, une semaine, une période X, une joueuse qui est au-delà de la 700e place peut faire jeu égal et même battre, des joueuses nettement mieux classées qu’elle. 783e mondiale, Eliessa a battu à Hambourg Chiaria Scholl (517 et ancienne 164!) et Julia Middendorf (355e). Eliessa a donc battu une joueuse qui est classée 428 places au-dessus d’elle!
Passons à Anvers.
En qualifs, le jeune Alexander Blockx, 646e mondial, a battu un certain Hamad Medjedovic, deuxième tête de série de ces qualifications et 102e joueur mondial. Alexander a donc pris la mesure d’un joueur classé 544 places au-dessus de lui!!! 544 places!
Il a ainsi démontré – si besoin en était – que les espoirs placés en lui étaient à la fois logiques et légitimes (il a été numéro 1 junior mondial). Il a aussi démontré qu’un joueur en forme – et n’ayant rien à perdre – peut battre un joueur nettement mieux classé. A noter que Medejedovic est lui aussi plutôt dans une belle courbe puisque la 102e position constitue son meilleur classement!
Suite à cette solide perf d’Alexander, peu nombreux ont été ceux qui se sont inquiétés de cette défaite de Medjedovic. Peut-être certains journalistes serbes l’ont fait mais ils ont d’autres sujets tennistiques à se mettre sous la dent :-)
En Belgique, et c’est très bien ainsi, on a vanté les mérites de Blockx et certains se sont même déjà pris à rêver de le voir passer un ou plusieurs tours dans le tableau final. Alexander a d’ailleurs tenu la dragée haute à Yannick Hanfmann, 56e ATP, qui joue le quart d’Anvers ce vendredi.
Bref, donc, Alexander a reçu les éloges et, encore une fois, il le mérite et je m’associe à eux. Sans tirer de plans sur la comète cependant, tant, je l’ai dit et redit, la route est longue.
Mercredi soir, David Goffin, après un très bon premier tour, s’est incliné face au géant français Giovanni Mpetshi Perricard. Là, comme souvent, d’aucuns n’ont pas vanté les mérites – réels eux aussi du jeune Français – mais se sont acharnés sur la défaite de David Goffin.
Honte à lui, disaient-ils en substances, il a été battu par le 226e mondial.
Euh, oui, mais entre le classement de Giovanni et celui de David il n’y a « que » 121 places, on est donc loin des 544 positions séparant Blockx de son premier adversaire en qualifs.
Qui plus est, ces critiques étaient infondées car Perricard est dans une spirale telle qu’il s’en présente deux ou trois par carrière. Il ne devait pas jouer mais a été intégré aux qualifs 15 minutes avant le début de son premier match. Il est mené 0-6 au premier tour du tableau final, il sauve une balle de match. Et, face à Goffin, n’ayant rien à perdre, il a frappé comme un damné, remportant pas moins de 30 points gratuits sur son service. 30 points, c’est l’équivalent de 7 jeux et demi!
A Tokyo, quasiment en même temps, Taylor Fritz, 1ère tête de série et 10e joueur mondial, a mené 0-6 face au Japonais Mochizuki avant de s’incliner 0-6 6-4 7-6.
Fritz, dixième mondial, a donc perdu face à …. un Japonais classé 215e mondial et n’ayant jamais été plus haut que la 191e!!! 205 places de différence!
Scandale? Non, c’est le tennis.
Un sport individuel où les émotions peuvent jouer des tours (Fritz se bat pour aller au Masters-Mochizuki n’avait rien à perdre).
Donc, pour résumer concernant David : on, cette défaite face à Perricard n’est pas ennuyante.
Ce qui l’est plus c’est la succession de défaites face à des joueurs théoriquement à sa portée et le ratio victoires/défaites en 2023 (29 succès-23défaites).
Le fait, aussi, que David perd souvent en ayant eu une opportunité, si pas de vaincre, du moins de prendre l’ascendant. Ici, il a mené 0-30 à 4-4 et il s’en est fallu de quelques centimètres pour qu’il obtienne 3 balles de break.
En fait, qu’il joue contre un joueur très bien classé (Alcaraz par exemple) ou un moins bien classé (Perricard), Goffin a souvent été tout près de faire quelque chose mais n’y est pas parvenu.
Comme le dit très justement Germain Gigounon dans Sud Info de ce vendredi, c’est le propre d’un joueur de tennis qui n’est pas en confiance. Il joue bien mais ne conclut pas.
Cela oui, c’est embêtant. Pas le fait de perdre contre un joueur classé 226e.
Je termine ce tour d’horizon exemplatif par le formidable Joris De Loore. Lequel, à trente ans, démontre que, quand on continue à y croire et à travailler, la réussite peut – enfin – vous sourire.
Finaliste à Bratislava la semaine dernière, il est en quart à Olbia et devrait entrer dans le Top 150 lundi prochain.
Ce qui va lui assurer, au moins, toutes les qualifs en Grand Chelem 2024 et l’entrée directe dans certains gros Challengers voire quelques ATP 250.
Et il devrait encore progresser car, une fois de plus, il faut rappeler que le niveau de jeu en Challenger n’est pas éloigné de celui des ATP 250. Joris a donc le niveau pour gagner des matches aussi dans ces tournois.
Le plus difficile, c’est de se montrer constant et d’aligner des victoires.
Le classement, là aussi pour rappel, n’est pas la valeur du joueur au jour J, mais bien la valeur d’un joueur sur les 12 derniers mois.
Tant que l’on ne n’accepte pas ce principe de base, on ne peut pas bien comprendre ce qui se passe sur un terrain.