Dans le précédent post, j’évoquais « les précurseurs » du tennis professionnel belge, à savoir Bart Wuyts et Xavier Daufresne.
Rien ne vaut des statistiques pour démontrer un propos.
Il faut savoir qu’il y a eu, pour l’instant, 18 joueurs belges dans le Top 100 mondial depuis que le classement existe, soit en 1973.
13 de ces 18 joueurs sont des cadets de Wuyts et Daufresne.
A savoir : Goffin, Malisse, les deux Rochus, Vliegen, Dewulf, Darcis, Van Herck, Norman, Goossens, Elseneer, Bemelmans et Coppejans !
Les 5 autres top 100 : Mignot, Boileau, Wuyts, Masso et Pimek.
Avec de tels joueurs, l’équipe de Coupe Davis a été très souvent dans le Groupe Mondial, avec de temps en temps malgré tout des passages par la division inférieure.
Prenons les stats après 1994 et le dernier match de Wuyts et Daufresne et avant la finale de 2015.
En 20 ans, soit de 1995 à 2014, la Belgique a joué pas moins de 13 fois dans la plus haute division, le Groupe Mondial. Elle a été une fois en demi-finale, en 1999 (lire ci-dessous), et deux fois en quarts, en 1998 et 2007.
En 98, les Belges ont d’abord battu les Pays-Bas de Siemerink et Schalken.
Le capitaine actuel, Johan Van Herck, s’était incliné lors du premier match face à Siemerink avant que Dewulf n’égalise face à Schalken. En double, le même Dewulf et Libor Pimek se sont inclinés face à Eltingh et Siemerink. Mené 1-2 au Primerose, les Belges devaient absolument gagner les deux derniers simples. Dewulf a infligé un sévère 6-4 6-0 6-4 à Van Lottum avant que le joker belge, l’incroyable Christophe Van Garsse prenne la mesure de Schalken au terme de 5 sets chauds chauds, chauds !
En quarts, les Belges se sont rendus à Indianapolis pour défier les USA. L’équipe américaine était composée de trois grands noms (et comment !) du tennis mondial : Andre Agassi, Jim Courier et Todd Martin. Les Belges se sont inclinés par 4-1 mais Dewulf avait pris un set à Courier alors que Malisse et Van Herck avaient poussé la paire Courier – Martin au cinquième set !
En 2007, les deux frères Rochus, Vliegen et Norman ont passé le premier tour en disposant des Australiens par 3-2. Vliegen a battu Lleyton Hewitt en entrée, Olivier Rochus a doublé la mise face à Guccione. Mais il fallut attendre le 5ème match pour s’assurer une place en quarts. Vliegen s’est alors défait de Guccione en trois sets rapides.
En quarts, la même équipe s’est inclinée 3-2 (mais c’était 3-0 le samedi soir) devant l’Allemagne emmenée par Tommy Haas et Philipp Kohlschreiber.
De bien beaux souvenirs, évidemment, le plus beau remontant sans nul doute à cette année 1999 que vous lirez donc ci-dessous.
Cette double décennie, en tous les cas, a mis en valeur la force en profondeur du tennis belge. Elle a aussi permis à quelques joueurs de faire la preuve que la Coupe Davis était une compétition particulière.
Christophe Van Garsse est sans doute avec Steve Darcis le meilleur exemple du joueur se
transcendant lorsqu’il joue un match pour son pays.
1999 : LA FOLLE EPOPEE
Je vais donc revenir maintenant sur cette année 1999 un peu folle. Qui avait été précédée, on l’a lu, par une belle saison 1998 puisque les Belges s’étaient hissés en quarts de finale, ce qui leur garantissait une place dans le Groupe Mondial 99.
Cette année-là, aussi, le tirage avait été plutôt favorable.
Premier tour en Belgique, face à la République tchèque. Le match se jouera au Flanders Expo.
L’équipe : Dewulf, Van Herck, Van Garsse et Malisse qui n’a encore que 18 ans !
C’est d’ailleurs ce dernier qui prend le premier point, en quatre sets, contre Ullirach.
Dewulf s’incline en 3 sets face à Dosedel alors que le même Dewulf, avec le capitaine actuel, perdent le double en trois sets devant Novak et Rikl.
Menés 1-2, les Belges n’ont plus d’autres choix : ils doivent remporter les deux derniers simples.
Le capitaine Gonzalez sort alors son joker et Christophe Van Garsse prend la mesure d’Ullirach en trois sets secs : 6-0 6-3 6-4.
Le gamin, Malisse, doit alors conclure face à Dosedel. Il le fera, non sans avoir perdu le premier set : 3-6 6-4 6-0 7-6 !!!!!
La Belgique est donc en quarts de finale, comme l’année précédente. Ce match restera à jamais dans l’histoire du tennis belge. Il se déroule au Primerose face à la Suisse.
Dans l’équipe helvète, Marc Rosset, Lorenzo Manta, George Bastl et un certain Roger Federer qui n’aura 18 ans que quelques jours après ce quart de finale.
On sait déjà qu’il est un talent pur, on ne se doute pas qu’il sera la Légende qu’il est depuis devenu.
L’équipe belge : Filip Dewulf, Christophe Van Garsse, Christophe Rochus et Xavier Malisse.
Malisse ouvre le bal face à Manta et il ne doute pas : 6-4 6-0 7-6. Le joker belge, Van Garsse, affronte alors le jeune Federer. Un match de feu, comme les aime Christophe : 7-6 3-6 1-6 7-5 6-1 !
Oui, vous avez bien lu : mené 1 set à 2, Christophe s’imposera bien en 5 manches. La Belgique a un pied en demi-finale. Un petit pied.
Vient le double. Chritophe Rochus épaule Filip Dewulf et sort un tout grand match mais insuffisant pour se défaire de la paire Manta – Rosset.
2-1 avant les derniers simples. Au menu du jour, un certain Malisse – Federer.
Pour rappel, Malisse fête le lendemain son 19ème anniversaire, Federer n’a pas encore 18 ans.
Voilà ce qu’on pouvait lire dans La Libre Belgique au sujet de ce match : « Un match fou, fou, fou!
Le dernier point belge est venu au bout d’un simple merveilleux entre deux espoirs prodigieux du tennis mondial Dès les premières balles de ce Federer – Malisse, on a su qu’il s’agirait d’un vrai match de Coupe Davis.
Ces deux grands espoirs du tennis mondial n’ont pas chipoté une seule seconde et, dès les premiers points, sont rentrés dans la balle avec une détermination farouche. La fin du premier set, déjà, fut chaude, très chaude même.
Malisse sauvant six balles de set avant de s’incliner 6·4. Mais, par la suite, il épuisa son ami Federer. A tel point que le Belge empocha la deuxième manche par 6·3 avant que Federer, comme vendredi, ne soit obligé de faire appel au kiné.
Le troisième set fut, lui aussi, inoui. Les deux jeunes joueurs perdirent une fois chacun leur service avant que, à 6·5 pour Malisse, Federer ne sauve à son tour moult balles de set (4) avant de s’incliner par 7·5. On croyait que le plus dur était fait pour Malisse, d’autant qu’il mena très rapidement 3·1, 4·1 et 5·2 dans le quatrième set.
HISTORIQUE
Mais voilà, Federer, comme Malisse, est un futur champion. Et, bien qu’épuisé et au bord de la rupture, il parvint à s’accrocher. Tant et si bien que Malisse fut à son tour attaqué par les crampes et qu’il dut, lui aussi, faire appel au kiné. La situation aurait pu être cocasse car les deux joueurs étaient presque paralysés par les douleurs. Mais elle ne l’était pas parce que la tension était palpable sous le chaud soleil bruxellois. Federer, donc, est mené 5·4 et sauve une balle de match avec brio. Et revient. Malisse puise on ne sait où la force de gagner son service. A 6·5, il a encore deux balles de matches. Mais, là aussi, Federer les sauve. Le tie-break approche et on ne voit pas comment Malisse va pouvoir le jouer tant il est tétanisé.
Il le joue pourtant mais est mené 3·0. On croit l’affaire dans le sac suisse. On se trompe. Malisse, curieusement, revient à 3·3 et s’échappe même à 5·3.
Mais Federer revient. C’est 5·5. Sur ce point, Malisse est contraint de lober haut, très haut. Un smash réputé facile se présente à Federer. Il pointe le doigt et rate l’envoi. Malisse sert pour le match.
C’est sa quatrième balle de match. Il est épuisé mais donne tout, sa première balle est bonne, longue et rapide. Le retour est dans le filet. Malisse s’effondre. Federer s’effondre en larmes. C’est beau le tennis. »
La Belgique est donc en demi-finale. Qui la conduira à Pau, face à la France.
L’équipe française est composée de Delaitre, Pioline, Santoro et Grosjean.
Très vite, on comprendra que l’os est trop gros à ronger.
Malisse s’incline en trois sets face à Grosjean. Dewulf est par contre passé tout près de l’exploit face à Pioline. Il mènera 2 sets 1 avant de s’incliner en 5 sets. En double, Malisse et Van Garsse ne peuvent rien faire contre Delaitre et Santoro.
L’épopée 1999 s’arrête donc en demi-finale. Si les Belges ont pu aller aussi loin c’est parce que, tant à Gand qu’à Bruxelles, ils ont pu compter sur un public déchaîné.
Pour suivre : la folie 2015