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Zizou en 2020, Gilles Arnaud en 2024. Y croire mais sans s’extasier trop vite!

Voici ce que j’écrivais le 27 octobre 2020, en plein European Open. Zizou Bergs, 256e mondial, y avait battu Albert Ramos Vinolas, ATP 45, avant de faire quasi jeu égal avec Karen Kachanov, ATP 27.

« Le résumé du tennis, en deux soirées

Ce que je vais écrire ici, sans être long, je l’ai déjà écrit des dizaines de fois depuis que j’anime ce blog. Mais il est parfois utile de taper sur le clou.

Le tennis est un sport individuel qui oppose, en simple, deux joueurs ou joueuses qui, a priori, ont tous les deux envie de gagner.

Le tennis moderne veut que les membres du Top 500 sont d’excellents joueurs de tennis et savent quasiment tout faire.

Leur problème, le plus souvent, consiste en la constance mais sur un mach, ils peuvent, dans des conditions optimales, sortir LE match de leur vie et battre quasiment tout le monde, sauf les monstres comme Nadal, Federer, Williams et autres.

Leur autre problème, aussi, est de conclure une rencontre, quand ils commencent à se rendre compte qu’ils sont proches de l’exploit.

Face à Albert Ramos-Vinolas, Zizou Bergs a clairement démontré que mes propos sont exacts. Cela fait longtemps que l’on sait que Zizou est un excellent joueur mais il aura fallu un tournoi ATP 250 pour qu’il sorte du grand tennis. Face à l’Espagnol, il n’a pas tremblé et a réussi à faire abstraction de la situation.

Contre le 17eme mondial Karen Khachanov, il a fait jeu égal pendant quasiment toute la rencontre sauf quand l’odeur de la victoire a commencé à se faire sentir. Il n’a pas mal joué à ce moment mais son adversaire, plus rompu à ce genre de matches, a réussi à tenir le coup et il s’est imposé logiquement.

En deux matches, donc, Zizou s’est fait connaître d’une partie de la Belgique du tennis qui s’intéresse principalement aux tournois majeurs. Ces passionnés se demandent certainement depuis mardi la raison pour laquelle ce jeune Belge n’est « que » 528eme.

Si on regarde les deux tournois d’avant Anvers, on constate que Zizou n’a gagné qu’un match sur trois, avec deux défaites face à des joueurs classés… 1601e mondial et … 444e ITF.

Oui, c’est le même Zizou Bergs qui a battu Ramos Vinolas et fait jeu égal avec le 17e mondial  et qui s’est incliné dans des tournois antérieurs à Anvers.

Mais voilà, il y a une énorme différence entre l’ATP 250 d’Anvers et les compétitions dotées de 15.000 ou 25.000 dollars.

A Anvers, où il avait reçu une invitation, Zizou n’avait rien à perdre et tout à gagner. Il était dans des conditions idéales, sous les feux des projecteurs et, donc, il a senti son énergie être décuplée. Showman comme il le dit lui-même, il a trouvé l’écrin dans lequel son jeu et son envie peuvent s’exprimer pleinement.

Dès la semaine prochaine ou les semaines suivantes, malgré son bond de 70 places (il sera 458e), il va retrouver les « petits » tournois et, donc, des conditions moins enthousiasmantes que cette semaine.

Face à lui, il aura des joueurs classés entre les 300e et 1300e places mondiales et va se retrouver devant des gars qui ont soit du talent, soit de l’énergie, soit une énorme faim, soit encore énormément d’envie, soit un mélange de tout cela.

Il faudra que Zizou parvienne dès lors à puiser dans ses prestations anversoises la force de vivre encore quelques saisons en deuxième ou troisième division du tennis mondial. Le talent, il l’a, il faut désormais qu’il joue chaque fois avec autant d’envie et de plaisir qu’il ne l’a fait cette semaine. »

Aujourd’hui, au lendemain du très beau tournoi de Gilles Arnaud Bailly à .. Anvers, je pourrais écrire quasi la même chose.

Avant Anvers, Gilles Arnaud avait joué 24 matches et en avait perdu 12. Tous ces matches avaient eu lieu dans des 25.000 ou des 15.000 dollars. Il avait par exemple essuyé des défaites face à des joueurs classés au-delà de la 1000e position. Personnellement je l’ai vu disputer son premier tour au Léopold où il était passé complètement à côté de son match face à Max Houkes et, quelques semaines plus tard, je l’ai revu à Lambermont où il a été sorti d’entrée par Noah Schagenhauf, 1668e mondial en deux sets.

A Anvers, classé 869e mondial, Gilles Arnaud – exactement le même joueur que celui dont je viens de parler – a battu Pierre-Hugues Herbert ATP 123 – et Nikoloz Basilashvili – ATP 318 mais ancien 16e.

Tout ce que j’ai écrit il y a quatre ans concernant Zizou, je pourrais donc le réécrire.

En résumé:

  1. On sait tous que Gilles Arnaud a un talent fou sans lequel il n’aurait pas été numéro 1 mondial juniors.
  2. Il est extrêmement difficile de passer des juniors aux circuit pro.
  3. Quand on a son classement et que l’on joue un ATP 250 grâce à une invitation, il n’y a aucune pression et on a rien à perdre. On peut donc développer son jeu sans retenue.
  4. Le niveau entre un joueur comme Gilles Arnaud et le Top 200 est restreint et, sur un ou deux matches, tout peut se produire.
  5. Gilles Arnaud a à nouveau démontré – comme l’a fait souvent Zizou avant d’entrer cette année dans le Top 100 – qu’il avait bel et bien le potentiel pour rejoindre son aîné parmi les cent premiers.

Mais, pour ce faire, il va devoir puiser la confiance dans ces trois matches anversois pour repartir sur le circuit « mineur » où, devant 2 ou 3 spectateurs perdus, il devra maintenir la motivation et enchaîner des victoires, face à des joueurs inconnus et parfois pas trop doués mais qui, tous, ont une faim de loup et rêvent, comme le jeune Belge, d’y « arriver ».

Il a toutes les qualités pour le faire mais, en gros, je peux affirmer que sa saison pro (re)commence lors de son prochain tournoi (il est légèrement blessé et devra sans doute faire un petit break) et sa carrière en janvier prochain, maintenant qu’il s’est à nouveau prouvé à lui même que son talent n’avait pas disparu.

Comme j’écrivais au sujet de David, ce talent, en réalité, ne disparaît pas. Mais on perd parfois le chemin qui y mène.