Retour

Oui, Alcaraz est phénoménal, mais…

Loin de moi, très loin, même, l’envie de vous convaincre que l’on en fait trop sur le phénomène de 19 ans qu’est Carlos Alcaraz.

Ce que ce jeune Espagnol réalise depuis le début de la saison est pour le moins extraordinaire et mérite les plus beaux éloges.

Oui, aussi, je suis certain que Carlos animera le tennis mondial au cours des années qui viennent, cela ne fait pas le moindre doute.

Mais.

Mais, vous me connaissez, je dois aussi dire que rien ne sert de brûler les étapes et d’avancer, comme certains observateurs l’ont fait, que le Roi Nadal a passé le témoin au Prince Alcaraz, ou que les joueurs de l’ex-next gen (Zverev et cie) ont trouvé leur maître.

Le contexte du tennis actuel veut en effet qu’il est bien trop prématuré pour certifier qu’Alcaraz va prendre le leadership aussi vite que certains le laissent entendre.

  1. Rafael Nadal n’avait pas encore joué de tournoi sur terre battue cette année et était bien loin de sa meilleure forme à Madrid. Qui plus est, David Goffin l’avait poussé dans ses derniers retranchements la veille de son quart de finale.
  2. Novak Djokovic est certes encore et toujours numéro 1 mondial mais depuis le début de l’année et sa folie australienne, il est loin de son meilleur niveau.
  3. Roger Federer est absent des courts.

4. Alexander Zverev n’est pas arrivé en finale avec la sérénité nécessaire. D’une part, il est encore et toujours (c’est de sa faute) confronté aux questions sur son comportement et, d’autre part, il a été soumis à un programme pour le moins contraignant à Madrid. Les excuses sont certes faites pour s’en servir mais on ne peut pas nier qu’il était un rien fatigué dimanche.

Ces quatre points, je le répète, n’enlève rien à l’exploit d’Alcaraz mais il est nécessaire, malgré tout, d’oser dire que le big 3 actuel est bien loin de sa valeur intrinsèque et que l’Allemand peut mieux jouer (même si, évidemment, Alcaraz lui a laissé peu d’ouvertures).

Voilà pour le contexte, auquel j’ajouterai une spécificité de la terre battue madrilène, une des plus rapides sur le circuit. Je serai heureux de revoir un Nadal – Alcaraz sur une terre plus grasse et moins élevée et, donc, plus lente que celle de Madrid (mais ses amorties feront encore plus mal).

Reste maintenant aussi à évoquer le fait qu’Alcaraz, du haut de ses dix-neuf ans, n’a strictement rien à perdre, rien à prouver.

Il peut monter sur le terrain sans trop de pression puisque, s’il perd ou, même, s’il rate un match, personne ne pourra le lui reprocher. Il joue donc complètement libéré et, oserais-je dire?, il pratique encore le tennis avec l’insouciance de nombre de juniors.

Je suis donc pressé de le voir, non pas à Roland Garros 2022 mais bien dans un an ou deux quand il devra défendre des points, des titres et qu’il sera désigné favori.

De plus, comme il est un jeune joueur, ses adversaires n’ont pas encore eu l’occasion d’appréhender son jeu, de le comprendre et le lire parfaitement et, donc, de pouvoir – peut-être – le contrer. Nadal n’avait joué que deux fois contre lui avant Madrid et Djokovic ne l’avait pas encore rencontré. On me dira que lui-même n’avait pas encore pu s’imprégner du jeu des deux monstres que sont Nadal et Djokovic. C’est vrai mais cela fait tellement d’années qu’ils sont sur le circuit que leurs jeux, pour extraordinaires qu’ils soient, n’ont plus vraiment de secret pour les coaches.

Enfin, et j’en terminerai par là, il faudra voir comment le jeune – mais oh combien puissant – corps de Carlos Alcaraz va tenir le choc au long des semaines, des mois et des années.

Je ne doute pas que son équipe est capable de la préparer de la meilleure des façons mais nul ne peut prédire ce qu’il en sera.

Bref, donc, Alcaraz est un joueur exceptionnel, il est l’un des meilleurs du monde pour le moment.

Pour le moment, c’est une évidence.

Pour les mois et les années qui viennent, tout porte à croire qu’il le restera mais rien, pour les raisons évoquées ci-dessus, ne peut le certifier.